Un sceau dans le temps (exposition)
Un sceau dans le temps
(pré)histoire du sceau
Le principe de marquer sa présence, et de s’approprier un objet ou un lieu par la même occasion, existe certainement depuis des millénaires, et revêt bien des formes (peintures préhistoriques, graffitis sur les arbres, céramiques…).
Élan aux bois, grotte de Lascaux. Vers -18 000.
© Codex, licence Creative Commons.
Le sceau existe depuis la plus haute Antiquité ; il la précède même, puisque les plus anciennes traces actuellement connues ont été trouvées en Asie mineure et datent du VIIe millénaire av J.-C. Ces marques imprimées en creux et répétant le même motif pouvaient à la fois attester de l’identité de la personne ayant apposé la marque et garantir la fermeture de la jarre ou du contenant sur lequel elle était inscrite. Sur le site de Çatal Hoyuk en Turquie a été récemment mis au jour un petit tampon/sceau en terre cuite, qui aurait pu avoir cet emploi. Mais on retrouve également cet usage sur des peintures égyptiennes, notamment celles ornant la tombe de Parennefer.
Bouchon de jarre, Baouit (Égypte). 7e-9e siècle.
© Musée du Louvre / Georges Poncet.
Le sceau s’associe à l’écrit
Cependant c’est en Mésopotamie où étaient utilisés, comme en Asie Mineure, des cachets en terre cuite, que l’usage du sceau associé à l’écriture se généralise. La matrice est cylindrique et elle est appliquée sur des tablettes d’argile. Ce sceau-cylindre est alors plus une signature qu’un mode de scellement et sa fonction est essentiellement administrative. Son usage s’étend à l’Égypte qui, comme la Mésopotamie, continue cependant d’utiliser des cachets. Ces sceaux-estampilles se diffusent largement et ne sont pas réservés à une élite. À partir du VIe siècle av. J.-C. le cachet retrouve un usage dominant, principalement dû au changement de support d’écriture : le papyrus, puis le parchemin, tendent à remplacer les tablettes d’argile. Plus petit, plus pratique, le cachet peut être utilisé comme un bijou, porté en pendentif, attaché à la ceinture ou même, dès le IIe millénaire av. J.-C., monté en anneau sigillaire.
C’est sous cette forme que le sceau sera utilisé à Rome.
Musée du Louvre, département des antiquités Orientales (AO 4699 ; CCO A. 191).
© Musée du Louvre / Chipault – Soligny
Musée du Louvre, département des antiquités Orientales (AO 4531 ; CCO A. 1083).
© Musée du Louvre / Antiquités orientales
© Musée du Louvre, département des antiquités égyptiennes.
© Musée du Louvre / Christian Décamps
Musée du Louvre, département des antiquités égyptiennes.
© Musée du Louvre / Christian Décamps
Bague. Époque gallo-romaine.
© Musée Vesunna / Bernard Dupuy
L’antiquité Gallo-romaine
Gagnés par les modes hellénistiques, l’aristocratie romaine adopte et diffuse l’usage des anneaux sigillaires. À l’origine importées du Proche-Orient, les intailles sont ensuite fabriquées par les artisans locaux qui signent leur précieuse production : les gravures sont réalisées, pour l’aristocratie, dans du jaspe, de l’améthyste, de l’émeraude… Mais on trouve également, chez les plus modestes, des anneaux sigillaires en matériaux moins noble comme la pâte de verre ou le métal.
Peu à peu, avec l’essor du christianisme, l’iconographie évolue et les symboles chrétiens (chrisme, poissons…) remplacent les dieux et symboles gréco-romains. Ces anneaux sigillaires, principalement utilisés dans un cadre privé, sont toutefois aussi employés de manière plus administrative. A la fin du Ve siècle, leur emploi est diffusé à travers tout l’empire. Les premiers rois francs en perpétueront l’usage.
Le Moyen-Âge d’or du sceau
Charlemagne, empereur d’Occident (742-814). Huile sur toile de Amiel Louis-Félix (1802-1864).
© RMN-Grand Palais, Château de Versailles
Le haut Moyen-Âge : les mérovingiens et leurs sceaux chevelus
Les rois mérovingiens accordaient une importance particulière à la chevelure. Signe de pouvoir ou de puissance – étaient-ils particulièrement sensibles à l’histoire de Samson ? – ils se représentaient sur les pièces, comme sur les sceaux, en mettant en avant cet orgueil capillaire.
Cependant, si certains travaux du XIXe siècle mentionnaient la présence de cheveux, fibres ou poils de barbe dans la cire du sceau, aucune observation réelle n’avait pu être faite. À l’occasion de la restauration de deux sceaux mérovingiens aux Archives nationales, celui de Childebert III sur un document du 14 mars 697, et celui de Chilpéric II sur un document du 5 mars 716, des fibres ont pu être observées durant l’analyse. Considérées en premier lieu comme les traces d’une technique de consolidation des sceaux, une étude plus poussée a permis de montrer qu’il s’agissait en fait de cheveux ou de poils humains. Cependant s’il est admis que ces cheveux et poils ont été inclus dans la cire volontairement, on en ignore encore la raison : renforcement physique ou symbolique du sceau, matérialisation de la présence du sigillant… ?
La diffusion d’une pratique royale
Si le haut Moyen Âge a perpétué la tradition de l’usage du sceau, son développement à partir du XIe siècle a été assez considérable. La pratique de scellage des actes, qui était une prérogative régalienne, réservée à la chancellerie royale, se diffuse peu à peu. Cette diffusion se fait à la fois sur un plan hiérarchique et géographique : les chancelleries du haut clergé rhénan sont les premières à imiter le pouvoir royal, puis petit à petit cet usage est observé dans les rangs de plus en plus modestes du clergé ; et cette pratique de scellage suit un axe nord-sud. L’archevêque de Reims Gui 1er scelle à partir de 1040 et à sa suite Laon, Cambrai. Cette chronologie est, dans le Sud, plus tardive. Quelques évêques méridionaux avaient cependant scellé dans la deuxième moitié du XIe siècle : ceux d’Oloron et Die en 1081 celui de Valence en 1082. Cette nouvelle coutume fut, pour ces évêques, l'occasion d'affirmer leur pouvoir, récemment renforcé par la réforme grégorienne : Amat d'Oloron, archevêque de Bordeaux, fut légat du Pape Urbain II, de même que Hugues de Die ; Gontard de Valence fut longtemps archevêque de Vienne pendant la vacance du siège.
Et le Périgord ?
Le premier évêque du Périgord dont on peut légitimement supposer qu’il a utilisé un sceau est Raynaud de Thiviers, en 1101. La Collection Périgord de la Bibliothèque nationale conserve des copies de chartes qui nous éclairent sur cette pratique. Comme il ne s’agit que de copies, nous ne pouvons pas y voir de sceaux appendus, mais seulement leur annonce. C’est ainsi qu’à la fin d’une charte du 27 décembre 1101 apparaît cette première mention de l’usage d’un sceau par un évêque périgourdin. L’annonce du scellage est formulée ainsi : (...) proprio sigillo hanc cartam corroboro (...) trad. : « Je confirme cette charte avec mon propre sceau ».
Cette innovation, tout au moins pour la région, sera adoptée par la plupart des évêques périgourdins à sa suite. Car en Aquitaine, aux XIe et XIIe siècles, une autre pratique de validation était alors très répandue : celle de la nodatio (ou des nodatores). La parole engagée était attestée par un nœud fait à une courroie de cuir ou une bande de parchemin, passée au bas de l'acte. Cet usage a pu conduire à certaines confusions amenant à penser qu'un sceau était appendu à ces courroies de cuir. Sceau et nodatio étaient cependant annoncés différemment et, lorsque la pratique du scellage fut adoptée, l'annonce du sceau entraînait automatiquement la disparition de celle de la nodatio.
Le premier sceau dont une empreinte est conservée est cependant plus tardif. Il date de 1144, c’est celui de l’évêque Geoffroy de Cauze. Il a le même aspect que le sceau de l’archevêque de Reims : l’empreinte est ronde, le personnage est debout, de face, et fait un geste de bénédiction de la main droite, Gui 1er semble tenir un livre et Geoffroy tient sa crosse.
Fonds Périgord de la Bibliothèque nationale, tome 30, folio 170.
Fonds Périgord de la Bibliothèque nationale, tome 30, folio 170.
dom Pierre Goislard de Monsabert, dans Archives Historiques du Poitou, XXXIX, 1910, n° XXIV, p. 126-127.
© Bibliothèque Nationale de France, Bourgogne vol. 80 n°42, B 971.
http://www.sigilla.org/moulage/bourgogne-971-10282
Des formes, des couleurs, des matières…
Il ne s’agit pas d’une introduction à la Fashion week mais plutôt d’une illustration de la diversité d’aspect des sceaux durant tout le Moyen Âge.
Des formes.
Le sceau est une galette, le plus souvent en cire, mais elle peut avoir plusieurs formes. La plus répandue est ronde. Les armoiries étant très souvent figurées sur les sceaux, on trouve également beaucoup de sceau en écu. Une autre forme particulière est plutôt employée par les femmes et par les membres du clergé : la forme en navette. Cette forme en ballon-de-rugby-un-peu-pointu-aux-extrémités rappelle la mandorle chrétienne.
(symbolique de la navette/mandorle ? Cette forme revêt plusieurs symboles :
- elle est issue du croisement de deux cercles. La personne s’y trouvant représentée est donc à l’intersection de deux « mondes » (spirituel et temporel pour le clergé séculier, terrestre/humain et céleste/divin pour le Christ)
- elle rappelle la forme de l’amande qui est la coque contenant le fruit, comme la femme portant la vie ou la Vierge portant Jésus
La très grande majorité était en cire, plus rares étaient les sceaux en métal, les bulles.
La tête dans le sceau ?
Les sceaux montrent assez rarement des portraits, il arrive cependant que l’on trouve un visage.