Communardes : L'Aristocrate fantôme (Wilfrid Lupano - Anthony Jean)

Communardes : L'Aristocrate fantôme 

(Wilfrid Lupano - Anthony Jean)

Communardes ! : l'Aristocrate fantôme
Communardes ! : l'Aristocrate fantôme

Anthony Jean

Né à Puyricard, dans les Bouches-du-Rhône, le 5 Octobre 1982, Anthony Jean rêve avant tout de devenir ingénieur aéronautique. Mais il s’ennuie très vite et passe la majeure partie de son temps à dessiner en marge de ses cahiers. Anthony décide alors de devenir dessinateur et intègre une célèbre école lyonnaise, où il se forme aux métiers de la bande dessinée, de l’illustration, du dessin animé et de l’infographie.

Diplômé en 2004, il s’installe définitivement à Lyon. C’est durant sa dernière année d’étude qu’il rencontre Mathieu Gabella et démarre ainsi une collaboration faite d’exigence, de rigueur et d’ouverture d’esprit. Le premier volume de La Licorne voit ainsi Le jour en Octobre 2006. La série se poursuit jusqu’en 2014.

En 2015, il dessine L'Aristocrate fantôme, sur un scénario de Wilfrid Lupano, dans le cadre du triptyque Communardes !


C’est durant la phase de recherche historique sur le rôle des femmes dans la Commune de Paris que je tombai sur le personnage fascinant d’Elisabeth Dmitrieff.

Tout le parcours d’Elisabeth Dmitrieff est teinté de mystère et de romanesque. Âgée de vingt ans à peine, elle se voit confier une mission d’observation des événements de la Commune par Karl Marx en personne, alors coincé à Londres, avec l’impossibilité d’en partir. Nul ne sait comment elle entre dans Paris deux ou trois semaines après le début des événements, et le mystère demeure également sur la façon dont elle s’en extirpe, quelques semaines plus tard, en pleine semaine sanglante. Dans cet intervalle, la jeune femme censée rendre compte à son mentor coincé à Londres ne va rendre aucun compte : Karl Marx ne recevra jamais aucune lettre. Elisabeth, une fois sur place, a choisi de participer plutôt que d’observer.

Wilfrid LUPANO

Communardes ! : l'Aristocrate fantôme (page 14. Planche originale et page publiée.)
Communardes ! : l'Aristocrate fantôme (page 14. Planche originale et page publiée.)

Ce qui fascine, chez elle, c’est la rapidité avec laquelle elle se retrouve membre active de l’Union des Femmes pour la défense de Paris et l’Aide aux Citoyens, quelques jours à peine après son arrivée à Paris.

Communardes ! : l'Aristocrate fantôme (page 15. Planche originale et page publiée.)
Communardes ! : l'Aristocrate fantôme (page 15. Planche originale et page publiée.)

On peut imaginer que sa prestance, ses belles manières d’aristocrate russe, son éloquence parfaite, sa connaissance de Marx en ont fait une porte-parole « naturelle » du mouvement. Beaucoup de communardes étaient des ouvrières, blanchisseuses, couturières sans éducation, et on peut imaginer qu’elles n’étaient pas aussi à l’aise que l’élégante jeune femme russe lors des prises de parole.

Communardes ! : l'Aristocrate fantôme (page 16. Planche originale et page publiée.)
Communardes ! : l'Aristocrate fantôme (page 16. Planche originale et page publiée.)

On peut aussi imaginer que sa grande beauté a beaucoup servi sa cause. Les récits concordent pour dire qu’elle était sublime, envoûtante, et que nombre de communards ont succombé à son charme.

Communardes ! : l'Aristocrate fantôme (page 17. Planche originale et page publiée.)
Communardes ! : l'Aristocrate fantôme (page 17. Planche originale et page publiée.)

On peut même aller jusqu’à imaginer que c’est un « sujet sensible » dans sa relation avec Louise Michel. Car Louise Michel était sans cesse moquée pour sa laideur, y compris au sein des communards qui n’appréciaient pas que les « bonnes femmes » se mêlent de politique. Lorsqu’on leur objectait : « et Louise Michel ? », ils répondaient, narquois et cruels : « ce n’est pas vraiment une femme ».

Communardes ! : l'Aristocrate fantôme (page 18. Planche originale et page publiée.)
Communardes ! : l'Aristocrate fantôme (page 18. Planche originale et page publiée.)

Pour beaucoup de communards, le Paris de la Commune fut un théâtre. Elisabeth Dmitrieff semble avoir été de ceux-là. Elle s’est créée un personnage pendant les événements. Vêtue de superbes robes, la taille ceinte d’une écharpe rouge dans laquelle elle glissait deux pistolets, coiffée de chapeaux à plumes voyants, Elisabeth a la coquetterie de ses vingt ans et refuse de choisir entre l’être et le paraître. Là encore, l’opposée de Louise Michel.

Communardes ! : l'Aristocrate fantôme (page 20. Planche originale et page publiée.)
Communardes ! : l'Aristocrate fantôme (page 20. Planche originale et page publiée.)
Communardes ! : l'Aristocrate fantôme (page 21. Planche originale et page publiée.)
Communardes ! : l'Aristocrate fantôme (page 21. Planche originale et page publiée.)
Communardes ! : l'Aristocrate fantôme (page 41)
Communardes ! : l'Aristocrate fantôme (page 41)
Communardes ! : l'Aristocrate fantôme (page 42. Planche originale et page publiée.)
Communardes ! : l'Aristocrate fantôme (page 42. Planche originale et page publiée.)
Communardes ! : l'Aristocrate fantôme (page 43)
Communardes ! : l'Aristocrate fantôme (page 43)
Communardes ! : l'Aristocrate fantôme (page 44-45)
Communardes ! : l'Aristocrate fantôme (page 44-45)
Communardes ! : l'Aristocrate fantôme (page 46. Planche originale et page publiée.)
Communardes ! : l'Aristocrate fantôme (page 46. Planche originale et page publiée.)
Communardes ! : l'Aristocrate fantôme (page 47. Planche originale et page publiée.)
Communardes ! : l'Aristocrate fantôme (page 47. Planche originale et page publiée.)
Communardes ! : l'Aristocrate fantôme (page 48)
Communardes ! : l'Aristocrate fantôme (page 48)
Communardes ! : l'Aristocrate fantôme (page 49. Planche originale et page publiée.)
Communardes ! : l'Aristocrate fantôme (page 49. Planche originale et page publiée.)

Il y a énormément de zones d’ombre dans le parcours d’Elisabeth Dmitrieff, que ce soit pendant son séjour communard à Paris, ou après. Et il est peu probable que l’on repousse ces ombres dans les années à venir. Car si sa vie a été très largement étudiée par les historiens russes au temps de Lénine, Dmitrieff a été effacée des livres d’histoire par Staline. Ce dernier a fait détruire tous les documents qui la concernaient et a envoyé au goulag les historiens qui lui consacraient des recherches. La raison en est très simple : alors que Lénine encourageait la valorisation historique de tous les « pré-révolutionnaires » (c’est-à-dire tous les Russes qui avaient participé à des épisodes révolutionnaires ou insurrectionnels d’inspiration socialiste avant 1917), Staline resserra le champ aux seuls pré-révolutionnaires issus du prolétariat. Elisabeth était issue d’une famille noble, il fallait donc la faire disparaître de la mémoire russe.

 

Wilfrid LUPANO


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