La Nature, 15 novembre 1937
La Nature, 15 novembre 1937

Zoom sur... l'histoire des caisses de retraite par la bibliothèque des Archives

 

En France, c’est Colbert qui crée la première caisse de retraite en 1673 : il s’agit de la caisse des Invalides de la Marine, et par ce geste, il entend fidéliser ses meilleurs soldats au sein de la flotte.

Le XVIIIe et le début du XIXe siècles consacrent les régimes de retraite pour les militaires. Ce « Chant dithyrambique à l’occasion de la dernière ordonnance du Roi », en est un exemple. Il est paru en 1829 dans une revue périgourdine, intitulée Recueil littéraire. Il est l’œuvre de Mlle Victorine Germillan, grande admiratrice des Bourbons en général et de Charles X en particulier dans ce poème. Il fait référence à une ordonnance datant du 10 octobre 1829, concernant le tarif des pensions de retraite de l'armée de terre.

 

Ils n’auraient qu’un laurier, pendant que l’opulence

S’endort paisiblement au sein de l’indolence !

Le valeureux soldat, sans repos, sans sommeil,

Qui prodigua son sang, pour moi, pour mon royaume,

Qui brava les frimats et les feux du soleil,

Vieux, n’aurait-il qu’in toit de chaume ?...

  • GERMILLAN, Victorine. Chant dithyrambique à l’occasion de la dernière ordonnance du roi sur les retraites. Recueil littéraire. Lavertujon et Desmoullières éditeurs à Périgueux. Périgueux, 1829, p. 1‑3. BIB BR 1842

 

Dans le courant du XIXe siècle, de nombreux régimes voient le jour : pendant la IIe République, la loi du 18 juin 1850 crée la Caisse de Retraites pour la Vieillesse :

  • Caisse de retraites et pensions viagères pour la vieillesse : circulaire aux préfets : instruction pratique préparée par les soins de la commission instituée aux termes de l'article 13 de la loi du 18 juin 1850. Paris : Ministère de l’agriculture et du commerce, 1851. BIB BR 6106
  • BEAUVISAGE, Ernest. Guide du déposant à la Caisse de retraites pour la vieillesse. Paris : Paul Dupont, 1851. BIB BR 6105
  • Caisse de retraites pour la vieillesse. Tarif des retraites ou rentes viagères, dressé en exécution des articles 3 de la Loi du 18 juin 1850 et 2 de la Loi du 28 mai 1853. Paris : Imprimerie nationale, 1853. BIB BR 6182

 

La première retraite par répartition est mise en œuvre pour les fonctionnaires par Napoléon III, fixant l’âge de la retraite à 60 ans (et 55 pour les travaux pénibles), en 1853.

De nombreuses caisses sont créées : ce sont les sociétés de secours mutuels. Quelques grandes entreprises privées mues, entre autres, par des idées paternalistes, mettent en œuvre des régimes spéciaux : c’est le cas des compagnies des chemins de fer dès 1850 pour certaines d’entre elles : cela leur permet également de mieux contrôler la main-d’œuvre.

Chaque corporation met en place des caisses complémentaires : les instituteurs de Dordogne en 1862, les sauveteurs en 1880, par exemple :

  • Société de secours mutuels entre les instituteurs et les institutrices du département de la Dordogne. Périgueux : imprimerie Dupont et Compagnie, 1862. BIB BR 2187
  • Société de secours mutuels des sauveteurs de la Dordogne médaillés du gouvernement… : Status. Périgueux : Impr. Delage, 1889. BIB BR 2190
  • Caisse fraternelle de retraite pour les deux sexes du département de la Dordogne : Statuts-livret. Périgueux : Imprimerie D. Joucla, 1903. BIB BR 2191

 

Petit à petit, l’idée de justice sociale ou tout du moins de philanthropie fait lentement son chemin. Les bureaux de bienfaisance se structurent. En 1893, un certain Rougier, ingénieur hydrographe résidant à Atur, propose au gouvernement une pétition tendant à secourir tous les vieillards et invalides des deux sexes et à supprimer la mendicité en France. Son idée est très simple : allouer des bons de pain, équivalents à 1 kg de pain par jour et par personne, bons qui seraient distribués par les communes, dans un cadre strict de manière à prévenir les abus et ne pas « encourager la fainéantise ». Ce sont les prémices du minimum vieillesse.

  • Pétition tendant à secourir tous les vieillards et invalides des deux sexes et à supprimer la mendicité en France. Périgueux : Imprimerie R. Delage et D. Joucla, 1893. BIB DD 44

 

Les projets de loi concernant les caisses de retraites se succèdent dès la fin du XIXe siècle, les mots et les interrogations les concernant restant plus ou moins les mêmes, comme en témoigne cette pétition et ce projet de loi adressés au gouvernement par un certain Biéchy, directeur du Journal L’Express Marseille en mai 1905 :

« Depuis de longues années, les travailleurs réclament des réformes sociales qui ne viennent jamais (…). Le devoir de tout bon citoyen est de faciliter la tâche de la commission parlementaire, très aride, il faut le reconnaître. »

  • BIECHY, M.F. Projet de loi sur les caisses de retraite. Marseille : Imprimerie générale, 1905. BIB BR 2170

 

Avant 1910, rien n’oblige les salariés à adhérer à un système. C’est la loi du 5 avril 1910 sur les retraites ouvrières et paysannes qui, théoriquement, rend l’adhésion au système par capitalisation obligatoire pour certaines catégories de salariés : dans les faits, cette partie du texte ne fut jamais réellement appliquée. L’âge de la retraite est fixé à 65 ans, âge à peine atteint par 8% de la population à cette date. Cette loi, défendue par des députés radicaux est assez mal reçue, comme en témoigne cet article paru à la une de L’Avenir de la Dordogne, le 7 avril 1910 :  la loi, bien que votée à la quasi-unanimité est considérée comme une « vaste escroquerie » tant par les socialistes que les conservateurs : https://archives.dordogne.fr/ark:/43778/s005b899ca758af9/5d838e80d1e31

 

  • SALAUN, Gaston. Les retraites ouvrières et paysannes : commentaire de la loi des 5 avril 1910. Paris : Berger-Levrault, 1911. BIB C 827
  • METIN, Albert. Les Retraites ouvrières et paysannes, manuel pratique pour l'application de la loi du 5 avril 1910. Deuxième éd. complétée et mise au point avec la nouvelle législation . Paris : librairie Chapelot, 1912. BIB C 1219

 

En 1937, le traumatisme de la première guerre mondiale n’est pas loin, et on envisage la question du vieillissement de la population comme un élément vital pour la bonne marche du pays. On se pose également des questions sur le financement des retraites, comme le démontre cet article dans la Revue La Nature, daté du 15 novembre 1937 : http://cnum.cnam.fr/CGI/sresrech.cgi?4KY28.133/431

  • La Nature: revue des sciences et de leurs applications aux arts et à l'industrie. Paris : Masson, 1873. REV 1632

 

Le système par capitalisation s’effondre avec la première guerre mondiale, puis les crises de l’entre-deux guerres. Il faut attendre l’après seconde guerre mondiale et le Conseil national de la Résistance pour voir en 1946, un système par répartition et les régimes spéciaux se structurer tels qu’ils le furent durant toute la deuxième moitié du XXe siècle.

 

  • MINISTERE DU TRAVAIL ET DE LA SECURITE SOCIALE. Guide de l'Assuré Social et des vieux travailleurs. Paris : Imprimerie nationale, 1946. BIB BR 6164
  • ATTIAS-DONFUT, Claudine (dir.). Les solidarités entre générations : vieillesse, familles, État. Paris : Nathan, 1996. Collection essais & recherches Sciences sociales. ISBN 978-2-09-190432-0. BIB B 3117
  • GRECIANO, Pierre-Alain. Les retraites en France : quel avenir ? Paris : La Documentation française, 2002. ISBN 978-2-11-005078-6. BIB C 3372

 

 

Pour en savoir plus sur l’histoire complexe des retraites par capitalisation et répartition, voici un lien utile : https://www.franceculture.fr/societe/capitalisation-puis-repartition-lhistoire-de-nos-retraites

 

 

 

 

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